Les groupes d’enfants
d’après Violet Oaklander, Gestalt thérapeute américaine, dans Windows to our Children
Les groupes présentent l’avantage de représenter un microcosme dans lequel peuvent s’expérimenter les comportements actuels mais également de nouveaux comportements. Le travail en groupe est un dispositif idéal pour les enfants qui ont besoin d’exercer leurs habiletés relationnelles. La recherche de contact est naturelle chez la plupart des enfants. Offrir un terrain de jeu à ceux qui ont des difficultés à entrer en lien avec leurs pairs peut leur permettre de découvrir et de travailler ce qui a pu les bloquer dans ce processus naturel.
Je commence habituellement les séances de groupe par un tour de parole, que chaque enfant puisse exprimer son état d’esprit et sa disponibilité du moment, et, s’il en a envie, qu’il puisse partager avec le groupe ce qui lui est arrivé depuis la séance précédente. Cette technique est particulièrement efficace pour donner à chaque enfant l’occasion de participer. (….) Il arrive souvent qu’un enfant vienne au groupe en colère, triste, ou excité par quelque chose qu’il vient de vivre, et il a besoin de l’exprimer avant de pourvoir accorder son attention au groupe.
Les séances de groupe avec les enfants sont généralement structurées ; j’ai souvent une idée assez précise de ce que nous allons faire pendant la séance. Il est cependant important de rester ouvert, flexible, et créatif. Après un tour de parole, je demande parfois au groupe si quelqu’un souhaite partager quelque chose, parler d’un sujet particulier, ou exprimer ses pensées ou son ressenti. Il arrive qu’un enfant présente un problème qui sollicite la participation des autres membres du groupe. Parfois, le problème présenté est trop personnel, et je travaille alors avec l’enfant pendant que les autres observent. Les groupes qui se connaissent depuis un certain temps évoluent et des sujets plus complexes peuvent alors être abordés. Ces enfants « travaillent », sollicitent un partage d’expérience avec les autres enfants, amènent des rêves sur lesquels travailler, et ainsi de suite. Si je suis amenée, au cours d’une séance, à interrompre l’activité de groupe pour travailler avec un enfant en particulier, je suis consciente que les autres enfants retirent des bénéfices vicariants en tant qu’observateurs. J’ai également observé cela avec des groupes d’enfants de tous âges : ce que je fais avec un individu a également un effet et une signification pour les observateurs.
Les enfants proposent souvent leurs propres thèmes. « On se moque de moi » est un thème rcurrent. Nous parlons un jour, lors d’une séance de groupe, de ce que ce thème signifie pour chacun d’entre nous, si nous l’avons déjà vécu, comment nous l’avons vécu, ce que nous avons ressenti, et le décalage entre nos émotions et nos réactions. Nous parlons du fait de le faire subir aux autres. Ils ferment ensuite tous les yeux et je les invite à se rappeler une expérience où ils se sont sentis moqués, hués, ridiculisés. (…) Les enfants dessinent ensuite ce qu’ils ont ressenti, ou l’incident, et nous échangeons autour de nos productions. Les enfants parlent doucement, partagent des choses profondes, et s’écoutent attentivement.
Nous avons parfois seulement le temps de permettre à chaque enfant de s’exprimer sur sa création, (sans jamais obliger ceux qui ne souhaitent pas le faire), ou d’échanger autour du ressenti et du vécu suite autour d’exercice particulier. A d’autres moments, nous prenons le temps de travailler en profondeur avec un ou deux enfants. Si nécessaire, nous poursuivons le travail à la séance suivante. Il peut m’arriver d’annoncer, « La prochaine fois nous pourrions travailler sur le sentiment de solitude que vous avez exprimé en parlant de votre sculpture. » Toute activité préprogrammée est cependant secondaire par rapport ce qui se passe d’important dans le groupe ou avec un enfant en particulier.
Le processus du groupe est l’aspect le plus précieux du travail de groupe avec les enfants. Leur manière de se vivre les uns et les autres et d’entrer en relation au sein de la thérapie groupale révèle leurs modalités relationnelles propres.
Le groupe est un lieu où l’enfant prend conscience de sa manière d’interagir avec d’autres enfants, où il apprend à prendre la responsabilité de ses actes, et où il expérimente de nouveaux comportements. Par ailleurs, chaque enfant a besoin d’être en lien avec d’autres enfants, de savoir que d’autres ont les mêmes ressentis et vivent des problèmes similaires.
Offrir aux enfants l’occasion de jouer les uns avec les autres leur permet d’expérimenter la relation à l’autre. Les jeux se font parfois avec le groupe entier, et d’autres fois en sous-groupes. (…)
Nous établissons généralement des règles pour le groupe, comme ne permettre qu’à une personne de parler à la fois sans être interrompue. Le groupe se porte habituellement garant de l’application des règles, et fait remarquer à un enfant lorsqu’il interrompt sans cesse. Si le groupe lui-même est perturbateur, il est alors pertinent que le thérapeute soit attentif à ce qu’il est en train de faire. Le rôle du thérapeute est primordial dans un dispositif groupal. C’est lui qui donne le ton du groupe et qui crée un climat de sécurité et de non jugement. Le thérapeute doit donner l’exemple ; les enfants apprennent en regardant le thérapeute.
Il est également important que le thérapeute participe lui-même aux activités avec les enfants. Lorsque nous jouons, imitons des personnages, ou racontons des histoires, je le fais également à mon tour. Si je ne suis pas disposée à participer à un exercice particulier, je l’affirme ouvertement. L’expérience est plus riche lorsque je participe moi-même aux activités, lorsque je me dévoile, et lorsque je partage avec le groupe mon ressenti présent et ma disponibilité.
Le thérapeute doit sans cesse être attentif à, et conscient de, chaque enfant. Si un enfant se montre contrarié ou blessé, le thérapeute doit pouvoir le sentir. Il est essentiel que le groupe soit un lieu dans lequel l’enfant se sente en confiance, et dans lequel rien de blessant ne puisse échapper à l’attention du thérapeute.
Les séances de groupes doivent être des expériences agréables. Pour qu’une séance soit satisfaisante, il faut que chaque enfant soit intéressé, se sente intéressant, en sécurité et accepté. L’enfant renforce son image de lui-même au fur est à mesure qu’il se sent libre de se dévoiler, d’exprimer ses émotions, ses pensées et ses opinions, qu’il sait qu’il peut s’appuyer sur le thérapeute et les autres enfants et entrer en relation avec eux.
Je prévois généralement un temps pour clore chaque séance de groupe. C’est un temps durant lequel les enfants peuvent s’exprimer sur l’activité ou la séance, dire quelque chose à un autre membre du groupe, partager leur ressenti sur le moment, et faire part de leur reconnaissance, leur ressentiment, ou leurs envies. Les enfants s’expriment en général peu à la fin des premières séances, mais, au fur et à mesure qu’ils se sentent plus à l’aise avec eux-mêmes et avec les autres enfants du groupe, ce temps est investi comme une partie intégrale du processus thérapeutique du groupe.